L’art lyrique se porte plutôt bien dans la Capitale-Nationale. Que ce soit en saison régulière ou encore durant le festival, le public de l’Opéra de Québec est au rendez-vous, et gagne de nouveaux adeptes! Entretien avec Grégoire Legendre, baryton, directeur général et artistique de l’Opéra de Québec.
...L’art lyrique se porte plutôt bien dans la Capitale-Nationale. Que ce soit en saison régulière ou encore durant le festival, le public de l’Opéra de Québec est au rendez-vous, et gagne de nouveaux adeptes! Comment expliquer cet engouement grandissant envers l’opéra dans la région?
Entretien avec Grégoire Legendre, baryton, directeur général et artistique de l’Opéra de Québec et du Festival d’opéra de Québec.
L’opéra est une oeuvre qui fait appel à différentes formes d’art qui semblent à la portée de tous, telles que le théâtre, la musique et la danse. Or, les gens hésitent encore à découvrir l’art lyrique, pourquoi?
Pour bon nombre de personnes, leur premier contact avec l’opéra s’est déroulé en langues étrangères. Auparavant, quand on allait à l’opéra, c’était comme si on regardait et écoutait un film en chinois sans les sous-titres à l’écran. C’est vraiment difficile de comprendre une oeuvre réalisée dans une langue étrangère sans avoir de points de repère. Cela a dû en décourager plusieurs. Depuis l’apparition des surtitres dans les années 80, c’est vraiment plus facile de suivre l’histoire qu’elle soit en italien, en allemand ou en tchèque.
Diriez-vous que les surtitres ont contribué à rendre l’opéra plus accessible?
Sans les surtitres, certains étaient séduits par la musique. Pour ce qui était de l’histoire, on ne savait pas trop ce qui se passait. Si on voulait le savoir, il fallait étudier l’œuvre à l’avance, il fallait presque apprendre la traduction par cœur. Cela donnait l’impression qu’il fallait connaître l’opéra pour y aller.
Sauf que l’opéra, c’est avant tout de l’émotion. C’est souvent une comédie ou un drame développé par la musique. Aujourd’hui, avec les surtitres, on sait exactement ce qui se passe. C’est beaucoup plus facile d’être réceptif et de faire place à l’émotion en se laissant toucher par l’oeuvre.
La majorité des opéras présentés de nos jours ont été composés il y a très longtemps. On pourrait penser qu’il s’agit d’un art moins actuel. Mais c’est plutôt le contraire. L’opéra s’est modernisé. Selon vous, cette modernisation est-elle bien réelle?
Cela fait 24 ans que je suis dans l’administration comme directeur général et artistique de l’Opéra de Québec. J’ai vu beaucoup de changements au fil des ans. En plus des surtitres, l’utilisation de l’imagerie vidéo dans la mise en scène est un autre exemple de modernisation.
L’utilisation de l’imagerie vidéo permet de créer des décors plus vivants qui peuvent changer d’une scène à l’autre. Les décors sont très imposants à l’opéra, car les scènes sont souvent immenses. Par conséquent, il faut des bâtis (structures construites pour constituer le décor) de grande dimension qui sont peu amovibles. En plus d’offrir plus de possibilités pour la création du décor, la vidéo vient appuyer les émotions et la trame de l’histoire.
En effet, c’est un changement marquant. Dans quelles circonstances l’imagerie vidéo a-t-elle été intégrée à l’Opéra de Québec?
Je me rappelle de la première fois qu’on a utilisé la vidéo, il y a bon nombre d’années. C’était dans le programme double Cavalleria rusticana et I Pagliacci. Traditionnellement, les deux oeuvres sont présentées dans le même décor, soit une place de village dans le sud de l’Italie. À l’Opéra de Québec, avec l’imagerie vidéo, on a pu mettre en scène au moins six décors qui changeaient comme au cinéma, c’est-à-dire de manière instantanée. De cette façon, les images nous permettaient de suivre de plus près le déroulement de l’histoire en présentant plusieurs lieux en Italie, allant du bord de mer, au champ à la place du village.
La vidéo est devenue un grand avantage pour la mise en scène. Elle est de plus en plus intégrée, c’est presque rendu automatique.
La technologie a joué un rôle important dans la modernisation de l’opéra; lui permettant ainsi d’être davantage accessible. Était-ce la seule façon d’y arriver?
Le recours aux surtitres et à la vidéo a modifié la manière de réaliser un opéra. J’ajouterais aussi une troisième chose en laquelle je crois énormément : la sélection des chanteurs et des chanteuses lyriques. C’est différent aujourd’hui. Cela a évolué.
Quand j’ai commencé à faire de l’opéra dans les années 70, la sélection des chanteurs était basée sur la voix. Maintenant, on tend à associer l’image du personnage au chanteur lyrique, comme cela se fait au cinéma avec les acteurs ou au théâtre avec les comédiens.
Pour moi, la distribution des personnages, c’est le point de départ de la mise en scène. Dans la mesure du possible, il faut octroyer les rôles non seulement du point de vue vocal, mais aussi pour le physique, le caractère, l’interprétation, etc.
C’est quand même plus difficile à faire, c’est vrai. Cependant, il faut toujours viser cette cohérence, cela donne de la crédibilité à la production qu’on présente. Les chanteurs l’apprécient et trouvent agréable de se joindre à une distribution où il est possible d’incarner plus globalement les personnages de l’histoire. Ils en sont très fiers.
Comme spectateur, on voit le résultat, on apprécie l’œuvre. On parle peu du travail, du processus de production d’un opéra. Qu’est-ce qu’on ne sait pas?
C’est important de former des équipes qui fonctionnent bien parce que ce sont de très grosses équipes. Prenons La flûte enchantée, mise en scène par Robert Lepage, présentée pour cette 8e édition du Festival d’opéra de Québec, il y a au moins 250 personnes qui travaillent directement sur cette production.
Il y a beaucoup de monde dans chaque projet. Il faut donc que cela fonctionne bien. On essaie d’éviter les difficultés, il faut que tous les membres de l’équipe avancent dans la même direction, c’est le défi chaque fois. L’opéra est est un art de compromis. Certains l’appellent la mère de tous les arts, car il y a du théâtre, de la musique, du chant, de la danse, de l’architecture, du visuel, tout est là-dedans.
Vous êtes le fondateur du Festival d’opéra de Québec. Devant ce succès grandissant, vous pouvez dire mission accomplie?
C’est très positif. En plus de rendre l’opéra accessible, le festival permet de positionner la région de la Capitale-Nationale comme il se doit. À notre façon, on contribue au profil culturel de la Ville de Québec.
Par ailleurs, la popularité du Festival d’opéra de Québec favorise aussi le positionnement de l’Opéra de Québec sur la scène internationale. Cela amène de belles collaborations, par exemple avec le Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, le New-York Metropolitan Opera ou encore avec la Compagnie nationale d’opéra du Canada (plus connue sous son nom anglais Canadian Opera Company), qui est le plus important opéra du Canada.
En vous écoutant parler d’opéra, vous piquez notre curiosité. Vous donnez envie de s’initier à l’art lyrique. Par où commencer?
Je pense que le Festival d’opéra de Québec, qui en est à sa 8e édition, est une belle porte d’entrée. La programmation propose des événements diversifiés de haute qualité artistique, accessibles au plus grand nombre et présentés partout dans notre ville.
Le festival a été créé dans l’idée d’un projet pilote pour aller de l’avant avec l’opéra, développer de nouvelles idées. Il a tellement bien fonctionné qu’il est devenu l’une des deux branches principales de la programmation de l’Opéra de Québec. Avec le festival, on peut montrer à un plus vaste auditoire ce qu’on est capable de faire. Il apporte une grande visibilité sur le plan médiatique, suscitant ainsi l’intérêt du public.
Et quelles seraient vos recommandations pour partir à la découverte de l’art lyrique ?
Allez aux extrêmes! Allez voir la plus grosse production, La flûte enchantée de Mozart, qui est magique. La Brigade lyrique qui est partout et gratuite; Véronique Gens au Violon du Roy. Il y a aussi La belle Hélène qui est une opérette amusante, tout vaut la peine !