Trois femmes. Des amies unies par leur ancien métier et un amour durable pour le spectacle. Elles se confient sur leur vie culturelle après le gavage, plus convaincues que jamais de la nécessité d’aller à la rencontre de l’autre à travers des œuvres.
...Trois femmes. Des amies unies par leur ancien métier et un amour durable pour le spectacle. Elles se confient sur leur vie culturelle après le gavage, plus convaincues que jamais de la nécessité d’aller à la rencontre de l’autre à travers des œuvres.
Pendant longtemps, elles ont été les voix et les visages de la culture à Québec.
Tellement mieux que des courroies de transmission : elles furent de véritables passeuses qui, à la télé comme à la radio, témoignaient non seulement de l’effervescence artistique de la capitale, mais le faisaient avec une passion qui, on s’en rend bien compte en discutant avec elles aujourd’hui, n’était surtout pas feinte.
Depuis, leurs carrières respectives de chroniqueuses culturelles ont pris fin. Mais Nathalie Lévesque, Marie-Hélène Raymond et Linda Tremblay nagent encore allègrement dans les eaux vivifiantes de la vie culturelle locale. Les trois se côtoient, sortent parfois ensemble.
Assises dans l’inspirant hall du Musée national des beaux-arts du Québec, où travaillent désormais Marie-Hélène et Linda, les trois «ex» discutent de leur vie culturelle après les médias. Quand l’obligation de tout voir tout le temps n’est plus.
Comme le dirait Céline, entre ces trois-là et l’art, l’amour existe encore.
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Après 20 ans dans les médias, Linda Tremblay avoue qu’elle a dû faire une pause lorsque sa précédente carrière a pris fin. Non pas par écœurement, mais parce qu’elle n’y voyait plus clair. «En fait, confie-t-elle, je ne savais plus ce que j’aimais, moi. Je couvrais tout, je devais m’intéresser à tout. Il me fallait un certain recul pour redécouvrir ce qui me plaisait vraiment.»
Et puis, petit à petit, les véritables amours se sont profilées : plus de théâtre, moins d’humoristes. Un penchant pour les événements plus intimes, musiques du monde et classique. Et une inextinguible passion pour le cinéma. «Du temps où je faisais le métier, je voyais entre 130 et 150 films par année. J’en vois moins, mais encore aujourd’hui, je vais énormément au cinéma.»
«C’est un boulot où tu es vraiment gavée, se souvient Nathalie Lévesque, qui a quant à elle consacré 15 ans de sa vie professionnelle à parler culture sur une myriade de tribunes radio et télé. Mais quand ça a été fini, je me suis rendu compte à quel point cette idée que la culture est essentielle à la vie, eh bien c’est vrai! J’ai souvent besoin de sortir voir un spectacle, pour rien de spécial.» Pour se faire du bien, quoi.
À écouter Marie-Hélène Raymond, on a l’impression qu’elle a maintenu le rythme d’autrefois. Celle qui a longtemps tenu le flambeau culturel à TQS et cumule huit années de métier consomme du cinéma à la chaîne et de la musique en série. «La musique, c’est une passion que je partage avec mon chum. On voyage pour aller voir des spectacles, je vais voir plein de choses ici, des trucs à grand déploiement, comme Katy Perry ou Arcade Fire, et d’autres plus modestes.»
Elle sort aussi beaucoup au théâtre. Parfois avec Nathalie (elle-même une grande consommatrice de chanson québécoise), qui s’amuse de voir sa comparse analyser chaque pièce, chaque spectacle, et partager ses impressions sur sa page Facebook. «Tout de suite en sortant, elle dit ce qu’elle a aimé ou pas, ce qui était plus ou moins réussi…» observe Nathalie.
«Tu n’as jamais laissé tomber ta grille d’analyse», rigole Linda Tremblay, qui la côtoie au quotidien. «Non, c’est vrai, réplique Marie-Hélène, mais pour moi, discuter d’un spectacle après coup, ça fait partie de l’expérience.»
Leurs rires rebondissent dans la superbe enclave de verre du pavillon Lassonde. Le soleil décline rapidement derrière le comptoir du café. À les écouter parler de leurs récentes sorties, des spectacles qu’elles attendent, on devine aussi que pour elles, la culture est une expérience humaine, qui rapproche. Deux d’entre elles ont le bonheur d’en vivre encore, différemment. Mais pour toutes les trois, on comprend qu’il s’agit d’une sorte de ciment social. Franchement essentiel à une époque où tout semble concourir à nous diviser.